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Femmes dans la région euro-méditerranéenne : Les violences persistent malgré les acquis

Rôle de la Convention d’Istanbul

Par Nabia Haddouche, Vice-Présidente d’EuroMed Droits

Le phénomène des violences faites aux femmes reste parmi les phénomènes les plus répandus dans la région euro-méditerranéenne. Il sévit aussi bien dans les pays de la rive Nord en dépit des avancées considérables en matière des droits des femmes, que dans les pays de la rive Sud, en voie de démocratisation et de consolidation des droits des femmes.

Dans ce contexte, et afin de souligner l’importance de la Convention d’Istanbul en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, EuroMed Droits a lancé cette année sa campagne autour de la « Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique », adoptée par le Conseil de l’Europe en avril 2011 et entrée en vigueur en août 2014. Avec ses composantes d’information et de mobilisation, cette campagne a pour objectif d’une part de mieux faire connaitre la Convention d’Istanbul et d’autre part de sensibiliser les ONG autour d’un travail de plaidoyer, afin d’amener certains gouvernements des pays de la rive Sud à adhérer à la Convention et à traduire les engagements pris dans ce sens en lois et législations adéquates.

La Convention d’Istanbul revêt une importance capitale à plus d’un titre. Le premier réside dans le fait qu’elle soit la dernière née des conventions et de ce fait intègre les normes internationales  les plus complètes en matière de lutte contre les violences faites aux femmes. Elle reste en l’absence de toute convention des Nations Unies dans ce domaine, l’outil le plus efficace pour lutter contre les violences.

Toutefois même si les législations en matière de lutte contre les violences fondées sur le genre, se sont inspirées, dans presque tous les pays, des normes proposées par l’arsenal législatif international ou régional dont certaines conventions et protocoles annexes comme la CEDAW, la déclaration onusienne sur l’élimination de la violence(1993) et la recommandation du Comité CEDAW(1992);  les lacunes en matière de législation persistent et ne permettent ni d’engager des réformes législatives pertinentes ; ni d’adopter les mesures adéquates pour combattre le phénomène des violences à l’encontre des femmes, d’où l’importance que revêt la Convention d’Istanbul en tant que cadre global en matière de lutte contre les violences fondées sur le genre.

La Convention d’Istanbul est la première convention qui entend cibler les violences dans les deux sphères publique et privée, sans aucune distinction. Elle agit de manière globale et efficace, par le biais d’un engagement des pays qui la ratifient à réformer leur cadre législatif en matière de violences faites aux femmes et à entreprendre des mesures spécifiques et à adopter des politiques intégrées et coordonnées qui visent à la fois la prévention, la protection, et le soutien pour assurer l’accompagnement et la réhabilitation des victimes et la criminalisation et la rétribution des auteurs de ces actes. La Convention enjoint également les états à assumer leurs responsabilités et obligations dans ces domaines, tout en les exhortant à coopérer de manière significative avec les organisations de la société civile travaillant dans le domaine.

Toutefois et afin d’avoir une compréhension commune et une adhésion collective des parties prenantes, la Convention donne des définitions précises de tous les concepts pertinents en relation avec les violences faites aux femmes. Elle considère  ces violences comme une violation des droits humains et une forme de discrimination contre les femmes pour motif de sexe, et estime que le seul garant à l’éradication des violences envers les femmes serait l’interdiction de la discrimination et la promotion de l’égalité des genres.

En dernier lieu, l’importance de cette convention réside dans le fait qu’elle s’applique en temps de paix et de conflits; qu’elle prend la dimension migratoire et d’asile en considération, mais également dans le fait qu’elle reste ouverte à l’adhésion aux pays non-membres du Conseil de l’Europe, ce qui est positif en terme d’élimination des violences fondées sur le genre dans la région euro-méditerranéenne ; région où le réseau EuroMed Droits veille à la promotion et à la consécration des droits humains et de l’égalité des genres.

Nabia Haddouche,

Vice-présidente d’EuroMed Droits

Référente politique droits des femmes et égalité des genres